Jour 414
Je me suis dégonflé. J'avais tout prévu. Les pleurs, les cris, les reproches. Mais je n'avais pas prévu ça.
Nos bagages à peine posées dès notre retour de Granite Falls, j'ai entraîné Hope au fond du jardin, près du cimetière.
Je me suis dit que la présence de nos ancêtres juste à côté de me donnerait la force de faire ce que j'avais à faire.
Mais une fois assis, impossible de dire quoi que ce soit. Aucun mot ne voulait sortir de ma bouche.
Et là, c'est moi qui ai réalisé ce que je ne voulais pas m'avouer avant. Je ne suis pas encore prêt.
Je ne peux pas charger les épaules de ma fille avec ce fardeau alors qu'elle a encore tant de choses à découvrir. Elle est encore si jeune.
Tout ça peut bien encore attendre quelques jours de plus, le temps pour elle de gagner encore en maturité, de vivre encore un peu dans l'insouciance.
Et le temps pour moi de vraiment accepter ce que je dois faire.
Et si d'aventure je devais disparaître avant de pouvoir le faire, je vais préparer des explications que sa mère pourra lui remettre de ma part, quand elle sentira que c'est le moment.
Des explications écrites, une lettre de ma part et ce journal. Pour qu'elle puisse comprendre pourquoi. Maintenant que j'y pense, il serait même judicieux de lui transmettre le journal quoi qu'il arrive, mort ou vivant.
À partir du moment où je lui transmets le flambeau, il n'y a pas de raison que ça soit moi qui continue à écrire ces lignes. Mon histoire sera terminée, ma mission accomplie et je pourrais aller profiter des mes derniers instants sans me soucier de rien, en paix, avec ma femme.
Pendant que notre fille retracera comment elle va gâcher la première partie de la sienne pour restaurer notre honneur et venger ceux qui sont tombés au combat.